Que doit faire la communication médicale face à l’épidémie d’obésité ? Accompagner les malades par une communication sociale gentillette dans le monde merveilleux des Bisounours qui mangent trop ? Déculpabiliser les pouvoirs publics en mangeant-bougeant.fr ? Faire affluer des tonnes de lipides ou de graisses corporelles sur nos écrans entre les fromages « double crème » et les mousses au chocolat ?
Une pub américaine nous met face à un état de fait certes réel mais dont le moins que l’on puisse dire est qu’il est peu ragoûtant… Une bouteille de soda assez connue se vide dans un verre se remplissant de graisses jaunâtres écœurantes… Pertinent ? Impertinent ?
Cette campagne de communication que nous ne risquons peut-être pas de croiser en France amène de nombreuses remarques. Pour faire réagir un public déculpabilisé face à la consommation de masse, faut-il lui « rentrer dedans » à l’aide d’images et de slogans choquants ? Si une grande partie du public connaît les messages « mangez-bougez », il appert que le nombre d’entre eux n’y accordent aucune importance. Les heureux possesseurs d’un IMC dit « normal » n’en ont cure, les obèses, gros et autres personnes en surpoids en sont d’ores et déjà conscients. Donc, quel intérêt ? Par ricochet, quel intérêt peut-on trouver à une communication vaguement sociale mettant en avant la graisse ingérée et produite ?
Il va de soi que les populations seront sensibilisées à des problèmes qu’ils connaissent. Au moins, la pertinence du message est posée : il s’agit d’un bon rappel des bases de la consommation effrénée de sucre. Ca fait grossir. Ce doit être ce que l’on appelle un scoop. Je pense donc je suis. Je me gave de sucre donc , je grossis. Je sais, donc j’assume. Tel est souvent le raisonnement basique que l’on trouve face à genre de pub. Cependant, assumer est un fait, mais assumer quoi ?
Assumer le fait d’une maladie ? Il est vrai qu’il est toujours pertinent de mettre un malade face à ce qui le bouffe de l’intérieur. Il est absolument nécessaire de coller une personne obèse face à son surpoids, comme si elle ne savait pas, comme si elle ne connaissait pas les conséquences de la surconsommation de nourritures. Elle en connait toutes les conséquences, sa balance se charge de les lui rappeler.
Assumer quoi ? Assumer un tas de graisses dégoulinantes ? Assimiler les populations malades à un tas de graisse ou flinguer les annonceurs en transformant leurs produits en une masse gélatineuse répugnante ?
Toutefois, face à une telle campagne de communication, il est difficile de prendre très clairement position. Plus nous voulons faire réagir, plus nous pouvons avoir tendance à vouloir choquer, remuer, ou inspirer des réactions tranchées. Cette pertinence s’avère souvent impertinente. Cette campagne peut nous faire prendre conscience du fait qu’il nous faut agir, vite. Consommer différemment, manger différemment, cuisiner, faire du sport… tout cela nous le savons, encore une fois. Et je ne sache pas que le rappeler une énième fois avec un tel manque de psychologie puisse ouvrir les portes d’un univers de réflexion, de prévention, de soutien.
Une telle campagne stigmatise. Elle stigmatise tout autant les industriels fabriquant des produits qui, consommés modérément ne sont pas nocifs. Seule la posture que l’on a face à ces produits peut induire une prise de poids ou non. Elle stigmatise les malades en les montrant du doigt, en les faisant culpabiliser sur leur mode de consommation, leur aspect, leur pathologie, leurs « désordres » psycho-nutritionnels.
Une telle campagne procède d’une profonde hypocrisie qui tend à mettre sur un pied d’égalité la malbouffe et les malades. Or, tous les obèses ne sont pas des mal-bouffeurs, et tous les mal-bouffeurs ne sont pas obèses.
De cette campagne émane un arrière-goût nauséabond, pudibond, simpliste, manquant conséquemment de recul. Mettre les consommateurs face à elle, c’est les prendre très clairement pour des imbéciles dénués de sens critique quant à leurs habitudes consuméristes, à leur maladie, à leurs envies, à leurs goûts.
Prendre clairement position face à une telle pub s’avère difficile. Oui, il faut faire réagir et agir en ceci que l’épidémie d’obésité est réelle. Elle réduit nettement l’espérance de vie, nous n’aurons de cesse de le répéter. L’accompagnement des malades, leur prise en charge doit être totale.
Ici, nous sommes face à du shockvertising à la réflexion pertinente mais au résultat discutable.
Faut-il, donc, choquer à tout prix ? j’en doute. Faut-il rester dans un discours lénifiant ? Non plus.
Une campagne de communication sanitaire se doit d’être globale, pédagogique, pourquoi pas ludique. Faut-il rappeler que le « Super Size Me » de Morgan Spurlock est toujours d’actualité mais que nous ne cessons pas d’aller nous gaver de l’infamie « culinaire » des fast-foods. Il a pourtant choqué lorsque le film est sorti. Mac Do a abandonné les menus super size… mais rien n’a changé.
Cette campagne fera réagir, momentanément. Jusqu’à ce qu’une autre l’efface. Son potentiel effet avec.
Mots-clés : | graisse | - | prévention | - | maigrir | - | communication |
publicité | - | sucre | - | consommation | - | malbouffe |
DOCUMENTATION
Le visuel en taille réelle [PDF]
Communiqué de Presse de la Ville de New-York qui a organisé cette campagne [en Anglais]
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